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UN DIVORCE

ment il brisait sa carrière, mais il se bannissait du monde des arts, où il avait eu des succès assez remarquables, et qu’il aimait. Son nom, qu’il avait rêvé glorieux, et que répétait déjà la voix publique, il devrait désormais le cacher, l’enfouir dans l’oubli des hommes ; il perdait du même coup l’aisance et le travail. Les biens de Claire ne pouvaient être vendus facilement, ni d’un jour à l’autre. Enfin la conscience de Camille n’était pas tout à fait tranquille à l’idée d’enlever des enfants à leur père. Et, par tous ces motifs, malgré son amour pour sa femme, il hésitait.

Claire vit cette hésitation sans la bien comprendre, et ne dit rien ; mais ce lui fut une déception amère. Plus tard, quand son mari lui proposa faiblement ce parti de l’exil comme dernier remède, tout en lui représentant les dangers qu’il avait pour eux, elle répondit évasivement et parut entrer dans ses vues. Mais elle se dit à elle-même avec désespoir qu’elle était seule encore, seule à aimer son fils et à vouloir tout sacrifier pour lui.

On était au mois de septembre. Étienne allait revenir. Naples avait ouvert ses portes au conquérant béni de la liberté. Le succès était assuré dans cette partie de l’Italie, et de nouvelles expéditions devenaient plus que douteuses. Étienne prit congé de ses frères d’armes et se rendit près de son père, qui revenait d’un voyage en France avec le comte Tcherkoff.

Étienne n’était plus le même qu’à son départ ; il avait l’air martial, fort et joyeux. Il serra le petit Fritz dans ses bras avec transport et plia le genou devant la mère adoptive.

— Ô ma sainte chérie ! lui dit-il, si tu ne veux pas que je t’aime, je t’adorerai.

Elle ne se défendit point d’être aimée, et peu à peu, bien