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UN DIVORCE

sait que telle chose devait lui manquer, et elle l’en voyait souffrir.

Elle savait bien que nul ne pouvait remplacer pour Fernand ses soins à elle, non plus que les caresses dont jusque-là elle l’avait nourri ! Elle seule connaissait cette nature divinement souffreteuse, et pouvait la toucher comme il le fallait. Absorbée sans cesse, on voyait quelquefois tout à coup pâlir ses lèvres sous quelque spasme de douleur.

Louise était donc allée habiter chez M. Desfayes, et l’enfant avait revu sa bonne avec joie. Deux ou trois fois par semaine, Anna se rencontrait avec eux sur la promenade Montbenon. La petite Fonjallaz s’y trouvait aussi, et mademoiselle Grandvaux remarqua tout d’abord avec chagrin qu’une profonde antipathie existait entre ces deux enfants. La petite fille était vaniteuse, babillarde, menteuse et taquine ; et, d’après les rapports de Louise, Anna vit que le plus redoutable ennemi de son neveu était cette enfant méchante et rusée, que sa mère approuvait toujours, et que peut-être, sans en avoir bien conscience, elle excitait contre lui.

En vain mademoiselle Grandvaux essaya d’établir entre eux quelque intimité. La nature de Fernand repoussait d’instinct celle de la petite Élisa ; et d’ailleurs il ne jouait guère. Quand il était près de sa chère tante, il se couchait sur ses genoux, l’entourait de ses bras et causait avec elle. Anna voulait ménager la sensibilité de l’enfant ; mais quand elle tardait trop à aborder le sujet qu’il attendait, il disait : Maman ! d’un ton de reproche. Alors elle parlait de Claire, de Beausite, et il pleurait en l’écoutant, le visage caché dans le sein de sa jeune tante, et cherchant à lui dérober ses larmes, afin qu’elle parlât toujours.