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UN DIVORCE

confiante en moi. Il me semble que tu oublies qu’en devenant ma femme, tu acquiers un protecteur brave et intelligent, qui saurait au besoin te défendre et te sauver. Aie donc un peu plus de foi, ma Claire. Ah ! murmura-t-il d’un ton de reproche, tu n’as pas le désir d’être à moi.

— Vous êtes injuste, lui répondit-elle d’une voix émue ; quand je songe au bonheur, c’est à vous. Si je venais à vous perdre, ma vie serait comme perdue aussi, ma jeunesse morte, et je ne resterais plus au monde que pour mes enfants. Mais je souffre pour vous, Camille, de ce que vous aimez un être si malheureux et si peu capable de vous faire du bien.

— Écoutez, reprit-il, je comprends vos inquiétudes, et la joie de notre union ne me consolerait pas de vous avoir privée de votre enfant. Mais ce qui m’irrite au delà de toute expression, c’est de vous voir encore à la merci de cet homme, après que les lois sociales vous ont séparée de lui. Toujours, quoi qu’on fasse, il sera donc l’éternel obstacle à votre bonheur ? Quelle odieuse fatalité ! Quoi ! vous êtes encore dans la plénitude de la jeunesse, vous n’avez connu l’amour que par ses douleurs, vous êtes libre, vous m’aimez, et je ne pourrai pas vous rendre heureuse ! parce que cet homme existe, bien qu’il vous oublie avec une autre femme, bien que vos liens avec lui soient légalement rompus !…

— Il est des liens qu’on ne peut rompre, dit Claire avec abattement.

— Ne dites pas cela, Claire ; vous respectez tout, hors notre amour. Ah ! s’écria-t-il dans un transport de rage et de douleur, oui, je suis malheureux ! Ah ! oui, je souffre, je vous l’assure ; car j’ai beau me donner à vous, je le vois bien, vous ne pouvez pas vous donner à moi.