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UN DIVORCE

— Et ce n’est pas une vertu de jeune homme, répondit son compagnon en souriant. Mais la persécution du monde et la solitude morale sont les causes qui ont jeté ma fille dans cette voie. Elle a le cœur grand et haut, et l’étroitesse du véritable individualisme n’est pas en elle ; elle comprendra quand elle aimera.

Le jeune homme garda le silence. Ils étaient dans la rue, et le vieillard jetait les yeux autour de lui comme pour chercher son chemin, quand deux hommes, qui descendaient la rue de Martheray, et qui, depuis un moment, les considéraient, vinrent à eux.

— Non, je ne me trompe pas, s’écria le plus âgé, en découvrant sa tête demi-chauve et demi-neigeuse, et en arrivant les bras étendus ; non, ces yeux, ce front, cet air, ce noble visage… c’est bien Sargeaz, c’est bien mon vieil ami que je revois !

— Pascoud ! s’écria plus simplement le vieillard qu’on interpellait.

Ils s’embrassèrent.

— Mon cher et précieux ami, je ne m’attendais pas à la joie de te revoir. J’osais à peine te reconnaître. Mais, tu le vois, mes yeux et mon cœur sont restés fidèles. Ô mon ami, la destinée !… Je te présente un de mes gendres, le mari de ma fille Fanny, M. Renaud.

Une poignée de main s’échangea, puis M. Sargeaz dit, en montrant son jeune compagnon :

— L’aîné de mes élèves, M. le comte Dimitri Tcherkoff.

Il y eut une vive curiosité dans le regard que M. Renaud et son beau-père attachèrent sur le jeune homme, et M. Pascoud invita les deux voyageurs, avec de grands compliments, à venir se reposer chez lui.

— Vous ne trouveriez à Beausite que des larmes, dit-il. Ce pauvre Grandvaux ! nous venons de le conduire à