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UN DIVORCE

sions qui inspirèrent des craintes au médecin pour sa raison ou pour sa vie.

Ensuite elle tomba dans une prostration extrême et resta toute la nuit sans mouvement, étendue sur son lit, mais ne dormant pas, l’œil fixe, attaché sur le plafond. Au point du jour, elle parut mieux, demanda des aliments, fit un léger repas, et pria qu’on la laissât, parce qu’elle voulait dormir.

Alors elle se leva, s’habilla en hâte, sortit par la fenêtre de sa chambre, qui était au rez-de-chaussée, du côté du bois, et, gagnant aussitôt l’allée des hêtres, elle marcha dans la direction de Lausanne.

À peine mit-elle un quart d’heure à faire le chemin, bien que pour éviter la route elle fit d’assez longs détours. On était au commencement de mars ; la terre détrempée cédait sous les pieds, et le long des chemins, à l’abri des haies, la neige se montrait encore. Il n’était que six heures quand Claire arriva dans la rue du Chêne, où les portes et les fenêtres commençaient à s’ouvrir. Se cachant sous son voile, elle alla sonner à la porte de cette maison qui avait été la sienne ; du seuil des habitations voisines, deux ou trois personnes la regardaient, et elle se serrait contre le mur, craignant d’être reconnue.

Elle attendit longtemps : on n’était pas levé sans doute ; d’une main humble et timide, elle sonna une seconde fois. Enfin la porte s’ouvrit, et Claire se trouva vis-à-vis d’une fille en bonnet de nuit, à figure maussade, celle-là même qu’elle avait refusé de prendre à son service quelques mois avant.

— Je veux parler à M. Desfayes, dit-elle.

— Vous ! répondit la fille stupéfaite ; mais c’est-il pas vous qui étiez sa femme ! Je ne sais pas… Il n’est pas levé… ajouta-t-elle en hésitant.