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UN DIVORCE

On fit ensuite appeler le témoin, femme Vionaz.

— Êtes-vous parente ou domestique de M. Grandvaux ?

— Ni l’un ni l’autre, quoique pourtant nous eussions pu être parents, puisque son père et le mien demeuraient porte à porte et n’étaient pas plus l’un que l’autre alors. Et, pour sa domestique, je n’aurais pas voulu l’être, car il faut avec lui travailler rude et n’être pas payé chèrement.

— Assez. Faites votre déposition. Qu’avez-vous à dire ?

— Oh ! rien que la vérité. Je suis une bien pauvre femme ; mais je ne donnerais pas ma conscience pour son pesant d’or. On pourrait bien m’offrir aussi gros d’argent que la cathédrale, qu’on ne me ferait pas dire une chose que je n’ai pas vue. Eh bien ! donc, je m’étais aperçue comme ça que madame Desfayes allait se promener souvent à la nuit tombante. Où allait-elle ? Je ne savais pas, et ça ne m’inquiétait point, puisque, comme on dit, les affaires des autres ne nous regardent pas.

L’autre soir, comme j’étais dans le bois du coteau à ramasser des bûchillons, je vis M. Camille qui venait à grandes enjambées, en regardant tout autour de lui. Il ne me remarqua point, car j’étais accroupie contre une cépée, bien lasse que j’étais, et il se faufila dans le bois. Le jour d’auparavant, je l’avais encore vu venir comme ça, en sorte que je me dis : Je m’étonne ce que c’est. Pourquoi se cache-t-il ? Est-ce qu’il veut faire du mal ?

Alors je m’avançai un peu pour voir où il allait, et je l’aperçus arrêté avec madame Claire, dans le sentier qui est au bord du torrent ; ils se tenaient la main. M. Camille parlait beaucoup et vivement ; puis il a passé son