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UN DIVORCE

grin qu’on ne croit. Seulement, pourquoi ferais-je différemment des autres ? Je n’en sais rien, moi.

— Oui, c’est bien cela, tu n’en sais rien, et c’est pourquoi toute force te manque. Moi, je saurais, et nulle force humaine ne me ferait épouser un homme que je n’aimerais pas, qui ne serait pas bon, honnête et digne de moi.

— On ne peut pas dire que M. Desfayes ne soit pas un honnête homme.

— Qu’en sais-tu, ma pauvre enfant ? Un honnête homme, sais-tu seulement ce que c’est ! Eh bien ! je te dis, moi, qu’il ne l’est pas.

— Mathilde !

— Attends. C’est un honnête homme selon le monde, c’est-à-dire que, outre le tort qu’il pourra faire légalement au prochain, il peut très-bien, en ce qui te regarde, te priver de toute liberté, te contrarier sur tous les points, avoir des maîtresses, élever ses enfants dans l’honneur du vice, et tout cela sans perdre cette qualité d’honnête homme, si précieuse, si peu rare, si facile à obtenir. Moi, Claire, ce que j’appellerais un honnête homme, c’est celui qui ne viendrait point à moi sali d’autres amours, et qui respecterait en toutes choses ma dignité et mon indépendance.

— Et tu attends cette merveille ? demanda Claire avec ironie. En ce cas, ma cousine, tu mourras vieille fille. C’est d’ailleurs ce que j’avais toujours pensé.

— Ma conviction, répliqua Mathilde piquée, est aussi que je ne me marierai point. Mais du moins je n’aurai pas fait de lâcheté en me mariant sans amour et sans confiance. Vous autres, soit pour être femmes, soit pour être mères, vous consentez à courber la tête et à passer sous le joug, et, si vous êtes malheureuses, vous l’avez