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UN DIVORCE

pour laquelle j’ai pris mes sûretés. Si j’ai causé des peines à madame Desfayes, la faute en est à son caractère exigeant, soupçonneux, peut-être, j’en conviens, plus tendre que le mien. Mais, dans ma conviction, tous ses actes depuis longtemps n’ont eu d’autre but que d’arriver à la possibilité d’un divorce ; et c’est dans cet espoir que, par sa négligence des soins domestiques et par sa maussaderie, elle a cherché à me rendre insupportable le séjour de notre intérieur ; c’est dans cette intention qu’elle m’a chassé de sa chambre, afin de me forcer à une inconduite dont elle pourrait profiter ; c’est enfin pour le même motif qu’elle a quitté ma maison ; et dans les circonstances de cette brutale violation de domicile, opérée chez madame Fonjallaz, tout démontre une action préparée, concertée entre plusieurs, un véritable guet-apens.

En réponse aux reproches de dilapidation que lui avait adressés M. Grandvaux, il entra dans de longues explications financières, tendantes à prouver que, s’il avait fait des pertes, il avait accru d’autre part les avantages de la communauté. Il accusa Claire de goûts de dépense et de désordre intérieur.

Au retour, tandis que M. et madame Grandvaux, tout en marchant, glosaient sur ce qu’avait allégué M. Desfayes et donnaient carrière à tous les épanchements qu’ils avaient dû refréner devant le juge, Claire, pâle et morne, les suivait sans dire un mot.

— Est-ce que tu as perdu ta langue ? dit enfin le père. Il ne faut pas être transie comme ça. On dirait que ses paroles t’ont figé le sang. Eh ! mon Père ! si tu n’as pas plus de cœur dès en commençant, comment feras-tu pour aller au bout ?

— Il est aisé de comprendre, dit madame Grandvaux,