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UN DIVORCE

mais, en apprenant votre demande en divorce, j’ai compris quelle prudence m’était imposée, et j’ai contenu mon désir d’accourir auprès de vous. J’ai même évité de me montrer dans le voisinage de Beausite, et je suis arrivé ici par mille détours. C’est que vous allez avoir à subir, ma pauvre Claire, de cruelles épreuves pour une femme, où je ne puis, à mon désespoir, vous aider et vous défendre qu’en m’éloignant. On cherchera, soyez-en sûre, à employer contre vous la calomnie, arme sûre et infaillible, dont le premier venu peut tuer. Je viens vous dire adieu ; je pars pour l’Oberland, où je resterai six mois. Vous m’écrirez, n’est-ce pas, Claire ?

— Vous partez ! s’écria-t-elle avec douleur.

— Ne sentez-vous pas que cela est nécessaire ? Oui, je pars. Notre amour est pur ; mais depuis longtemps je vous aime, et si ma bouche ne le disait pas, mon attitude peut-être l’a révélé. Notre atmosphère est pleine d’émanations impalpables, qu’un sens innommé révèle. Si je suis là, on s’apercevra que je vous aime, et on le dira. Quand vous fuyez d’indignes traitements, quand vous rompez avec le vice, nul autre motif ne doit être soupçonné de se joindre à ceux-là. Oui, je vais vous quitter. M’aimez-vous ? demanda-t-il avec des regards éclatants d’amour et de confiance.

La jeune femme balbutia, les yeux baissés, une réponse qu’emporta le bruit du torrent, et Camille, l’entourant de ses bras, l’entraîna plus haut, à mi-chemin du coteau, où ils s’arrêtèrent sur une étroite esplanade, formée par la racine d’un grand sapin. Il répéta :

— Nous allons nous quitter, chère Claire. Dites-moi bien que vous m’aimez ?

— Je n’en ai pas encore le droit, répondit-elle ; qui sait même si je l’obtiendrai !