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UN DIVORCE

Ces dernières paroles parurent choquer l’auditoire de Mathilde, au lieu de le convaincre, et Claire reprit :

— Toi, tu ne penses en rien comme les autres. Je ne crois pourtant pas que cela te rende plus heureuse.

— Oh ! dit Mathilde avec dédain, ceci n’est pas la question, et je ne m’en occupe pas à ce point de vue. Ce que je puis t’assurer, à toi, ma pauvre cousine, c’est que faire comme les autres ne te rendra pas heureuse non plus.

— Et pourquoi donc ? demanda Claire avec une sorte d’effroi.

— Je n’en sais rien ; mais ce serait un miracle. Tu ne connais pas ton prétendu, tu ne l’aimes pas. Il y a des gens qui se connaissent, qui s’aiment, et qui, par l’effet de caractères opposés, cependant, se rendent malheureux. Tu as toutes les chances contre toi.

M. Desfayes passe pour un excellent garçon.

— Ma chère, le monde est plein de personnes excellentes. Il n’y a pas de créature assez malheureuse pour qu’une voix amie n’en dise « C’est un bon homme, » ou : « C’est une bonne femme. » Et cependant la vie est une mêlée de gens qui ne peuvent s’entendre, qui se rendent l’existence insupportable et s’accusent mutuellement des plus vilaines actions.

— Comment faire alors pour s’y reconnaître ?

— C’est difficile ; raison de plus pour y réfléchir longtemps.

— Eh ! je ne demanderais pas mieux que d’attendre et de réfléchir, murmura la belle Claire avec une irritation contenue en déchiquetant une pauvre pousse de rosier qu’elle venait d’arracher à sa tige. Est-ce ma faute ? J’ai plus d’ennui, plus d’inquiétude, plus de cha-