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UN DIVORCE

Lui disant bonjour, ils passaient ; mais elle se planta devant eux.

— Eh ! mon Père ! bon monsieur Grandvaux, si vous saviez comme j’ai de peine ! On peut bien dire qu’on ne vit que de ça chez nous.

— Hélas ! qu’est-ce que vous me dites ? répondit le père Grandvaux en poussant un grand soupir ; la peine est partout, allez, pauvre Vionaz. Il n’y a personne d’heureux en ce monde.

— Si c’est comme ça, tant pis, dit la vieille en interrogeant du regard la figure de Claire, qui, même sous son voile, paraissait pâle et défaite. Et pourtant, quand on a le principal, on peut mieux soutenir l’ennui ; mais moi, Seigneur ! qu’est-ce que je deviendrai, qui ne suis déjà pas heureuse, si l’on nous renvoie encore de notre maison, où nous sommes depuis vingt ans. Ce Giromey est si dur qu’il ne veut à rien entendre. Nous lui avons pourtant donné un à-compte au printemps passé.

— Eh ! que me dites-vous ? On a assez à s’en plaindre aussi par chez nous, allez ! Le fainéant m’a coûté gros depuis des années. Il n’y a que moi qui sais tout ce qu’il me fait perdre ; ah !…

Il reprenait sa marche ; la vieille le suivit.

— Si vous vouliez seulement lui dire un mot, monsieur Grandvaux. Il n’oserait pas vous refuser.

— Je lui en dirais bien cent, pour vous faire plaisir, Vionaz ; mais ça ne servirait de rien, et il me répondrait que ça ne me regarde pas. Je n’ai pas le moindre droit dans tout cela, voyez-vous. Il tient à bail les bâtiments de la ferme, et pour lors, tant que ça durera, il y peut tout ce qu’il veut.

— C’est égal, monsieur Grandvaux ; il sait bien qu’il a besoin que vous ne le pressiez pas tant, et alors, si