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UN DIVORCE

tant crier pour une visite dans sa maison, de peur que ça donnât à penser. Ma petite, le coup d’œil qu’elle m’a lancé m’a fait froid dans le dos. Le commissaire, voulant être aimable, a refusé d’entrer dans sa chambre ; j’en ris encore ; elle s’est perdue par sa précaution ; mais je n’en savais rien, moi, aussi je suis resté devant la porte pendant que le commissaire et mes trois drôles furetaient partout. Pour en finir, devine où l’on a trouvé Ferdinand ?

Claire hésita et ne répondit pas ; elle avait le cœur serré d’un sentiment de honte et de peine, que jamais elle n’eût prévu.

— Dans la chambre de Georgine. Et croirais-tu que cette effrontée coquine a déclaré que c’était bien pour elle qu’il était venu ? C’est le bien de tes enfants qui lui servira de dot à celle-là. Hélas ! hélas ! mon Père ! quelle abomination ! Il faut que les gens d’aujourd’hui n’aient plus de cœur ! Une si belle fortune que vous avez eue et qui pouvait si joliment s’arrondir ! Ah ! j’en avais fait des rêves, moi, pour ces pauvres petits !

Il passa le revers de sa manche sur ses yeux et se leva :

— Enfin !… Il s’agit d’y porter remède et de faire tout de suite la part du feu. Tu viendras avec moi demain matin faire ta demande en divorce au tribunal, et…

— En divorce ! répéta-t-elle de ses lèvres pâles.

— Parbleu ! Est-ce que les choses peuvent rester comme ça ? Le scélérat nous doit trente mille francs, il faut bien qu’il nous les rende avant d’avoir mangé sa dernière bouchée. Ah ! je ne lui pardonnerai jamais de m’avoir trompé comme ça ! Tu comprends qu’à présent nous avons beau jeu. Nous demanderons en même temps que les enfants te soient laissés jusqu’à la fin du procès.