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UN DIVORCE

Mais les enfants rendaient la chose embarrassante et longue. — Les enfants !…

Claire fit quelques pas brusquement, puis, s’arrêta de nouveau les bras croisés, l’œil fixe, abaissé sur le plancher.

Les enfants ! avait-elle le droit de les emmener ! sous l’autorité d’un autre époux, loin de celui qui était leur père ? Elle est libre, elle, soit ; mais les enfants ? Mathilde n’a point parlé des enfants. On ne parle jamais des enfants dans tout cela !…

Le désespoir la prit de ne pouvoir discerner ce qu’elle devait faire et de se voir ainsi de tous côtés arrêtée sans trouver son chemin. Elle restait là, debout, morne, frissonnante, quand un coup subit frappé à sa porte faillit lui briser les nerfs, si bien qu’elle resta quelque temps sans pouvoir répondre.

— Est-ce que tu es malade ? dit la voix de M. Grandvaux. Peut-on entrer ?

Claire s’ébranla péniblement et alla ouvrir.

— Est-ce que tu es malade ? répéta le père en entrant. Il est deux heures.

Sa voix forte, son pas lourd et sa taille massive changèrent à l’instant l’atmosphère de cette chambre, que remplissaient tout à l’heure les émanations d’une douleur muette, mais passionnée.

— J’ai été tout surpris, en arrivant, de voir ta chandelle encore allumée. Mais ça se trouve bien ; car j’aurais été capable de te réveiller. Assieds-toi là. J’ai à te dire de fameuses nouvelles.

Un frémissement parcourut le corps de la jeune femme, tandis que, obéissant à l’ordre de son père, elle s’asseyait en face de lui.

— Eh bien, je reviens de Lausanne. Tu peux être