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UN DIVORCE

— Eh bien ? dit Claire.

— Eh bien ! répéta la jeune fille en attachant sur sa sœur des yeux étonnés.

— Parce que mon mari ne m’aime pas, faut-il que je renonce absolument à être aimée ?

— Oh ! Claire… Mais tu ne peux être sa femme !

— Est-ce donc toi, chère petite, qui ne croiras pas à un amour chaste ? Vois-tu, dit-elle, en baissant la voix et en se penchant sur l’épaule de sa sœur, Camille est le plus noble et le plus généreux des hommes. Si tu l’avais entendu !… Ah ! que ne l’ai-je connu plus tôt !…

Elle fit de ses beaux bras un geste de désespoir ; ses cheveux dénoués ruisselèrent sur ses épaules nues, en nappes où la lumière brilla ; son visage sembla tout à coup plus pâle, son sourcil plus fier, ses yeux plus grands, plus étincelants et plus profonds. Anna la regarda et baissa les yeux avec embarras.

— N’as-tu pas compris ? dit Claire.

— Oui, ma sœur ; mais pourtant… je crois.

— Et que crois-tu, ma pauvre enfant ? Tu es bien prudente pour ton âge.

— Oh ! je ne sais rien, moi, que ce qu’on dit ; mais tu es si belle ! et, dans l’idée de tout le monde, un homme est très-malheureux de ne pouvoir épouser la femme qu’il aime.

— Peut-être y en a-t-il un qui ne ressemble point aux autres, dit Claire avec orgueil, en contemplant de souvenir la figure de Camille, éclairée par l’enthousiasme des nobles passions.

— Alors tu renonces tout à fait à ton mari ?

— L’aimer encore ! Est-ce possible ? Ne m’a-t-il pas suffisamment insultée ? Ne m’a-t-il pas fait souffrir assez ?

— Oui ; mais il est toujours ton mari, et vos deux exis-