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UN DIVORCE

longtemps que l’on jasait de l’amitié de l’Anglais pour elle et de toutes leurs conversations ; elle n’a pas voulu en tenir compte ; eh bien, voilà que mistress Schirling est devenue si jalouse, que Mathilde n’y peut tenir et abandonne les leçons. Si elle avait été prudente, et ne s’était occupée que des enfants, cela ne serait pas arrivé, et elle aurait conservé là un joli revenu, puisque sir John voulait encore rester ici deux ou trois ans. On ne peut pas empêcher les gens de parler, il vaut mieux ne donner aucun prétexte.

— Quelle horrible méchanceté ! dit Anna. Sir John Schirling est comme un père pour ma cousine. Il a voulu, tout dernièrement encore, la marier avec son professeur allemand.

— Il n’y a plus à s’inquiéter, quant à moi, des visites de M. Camille, dit Claire avec amertume. Je pars demain.

Cette résolution causa du chagrin à madame Grandvaux ; mais elle ne la désapprouva pas.

— On ne sait cependant ce qui peut arriver, dit-elle. Ton père n’a pas dit un mot hier soir ni ce matin en se levant, et il est parti de bonne heure pour la ville.

Claire passa le reste de la soirée dans une exaltation fiévreuse. Elle allait beaucoup souffrir, sans aucun doute ; mais, avec l’appui moral que lui donnait l’amour de Camille, un amour si beau, si chaste, si dévoué, elle se sentait forte, courageuse, élevée au-dessus d’elle-même. Elle avait désormais un idéal d’amour, c’est-à-dire de quoi vivre ; elle saurait souffrir.

Comme à l’ordinaire, elle coucha les enfants, aidée de sa sœur. La toilette de la petite Clara était bientôt faite, et à peine l’avait-on mise dans ses vêtements de nuit qu’elle s’endormait en gazouillant ; mais pour Fernand, c’était autre chose. Il était tout impatient ce soir-là ; il