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UN DIVORCE

— M’ôter mes enfants ! dit-elle d’un air égaré ; mais c’est impossible ! ils sont à moi !

— Voyons, dit M. Grandvaux, tu sais bien que c’est le père qui est reconnu par la loi le seul maître des enfants. D’ailleurs, il ne demande que le petit ; mais sois tranquille.

— Est-ce possible, cela ? Non, cela ne doit pas, cela ne peut pas être. On ne peut pas m’ôter mon enfant. Moi seule, je le connais bien ; moi seule, sais ce qu’il lui faut ; c’est moi qui l’ai porté dans mon sein, qui l’ai nourri, qui l’ai élevé ! Non, je vous le répète, c’est impossible ; on ne peut pas faire une chose odieuse comme celle-là.

— Quand je te dis que c’est des bêtises, veux-tu me croire ? Ne suis-je pas là, moi ? On le verra bien. Sacrebleu ! dites-moi, est-ce qu’on a jamais entendu dire qu’on pouvait en remontrer au père Grandvaux dans une affaire ? Et croyez-vous que je ne saurai plus m’y prendre quand il s’agira de mes enfants ? Allons ! allons ! prenons seulement un peu de patience. Je n’aime pas voir qu’on s’emporte comme ça. Encore un peu de temps, et nous sommes de Berne[1].

Malgré ces encouragements, Claire fut au désespoir. Elle dévorait ses larmes, en regardant son cher enfant, qui n’avait jamais eu tant de grâce et tant de vivacité, ni des manifestations de tendresse plus vives pour sa mère, peut-être à cause de l’attraction magnétique exercée par les élans de son âme à elle, uniquement tendue vers lui.

Le septième jour vint, et Anna tremblante n’osait interroger sa sœur, quand elle la vit rassembler ses effets

  1. Locution conservée depuis la domination bernoise. Être de Berne, c’était avoir tous les avantages, tous les droits.