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UN DIVORCE

sa mère, dans la prairie, des bouquets de ces crocus d’un violet tendre qui jonchent les prairies d’automne. Il essayait même, à l’émerveillement de sa jeune tante, de grimper sur les longues branches pendantes des sapins. Ses petits bras, si maigres et si frêles, grossissaient un peu, et ses joues prenaient des couleurs plus vives.

Sans doute aussi le calme qui régnait dans ce nouvel intérieur lui était bienfaisant. Le père Grandvaux ne se fâchait guère ; il est vrai que tout se faisait chez lui par sa seule volonté ; mais, à cela près, il était bonhomme et de bonne humeur. L’enfant n’avait plus sous les yeux de visages enflammés par la colère ; il n’entendait plus de paroles brutales et passionnées ; la mélancolie de sa mère était profonde, mais il la voyait pleurer moins souvent.

La large face, toujours affectueuse pour lui, de son grand-père, le visage doux et passif de sa grand’mère, le tendre sourire de sa petite tante, la société des animaux de la ferme, et toutes les choses bonnes et harmonieuses qui l’entouraient, le tenaient dans un milieu calme et sain, où sa frêle nature, trop facilement ébranlée, se fortifiait. Cependant, il était d’une sensibilité si vive, qu’il éprouvait toujours de temps en temps quelque grand chagrin. La première fois qu’il avait vu mettre à mort un des poulets de la basse-cour, il avait poussé des cris d’horreur et de désespoir ; on l’avait emporté promptement ; mais l’affreuse image était restée dans son esprit, et, pendant la fièvre qui le saisit bientôt après, il mettait ses mains sur ses yeux, comme pour ne plus voir, puis il sanglotait.

Longtemps après, ce souvenir, parfois, lui causait encore des tressaillements et des pleurs. La mère Giromey disait que c’était extraordinaire ; car son plus petit à elle,