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UN DIVORCE

Claire et qu’elle seule comprenait, des choses qui pénétraient son cœur. En l’écoutant, elle oublia l’heure, si bien qu’elle ne rentra chez elle qu’à sept heures et quelques minutes ; Ferdinand s’était mis à table, et soupait déjà.

— D’où venez-vous ? lui demanda-t-il brutalement.

Elle fut troublée et ne put s’empêcher de rougir.

— Je viens de chez Fanny, répondit-elle.

— Je ne veux plus que vous y alliez ; je vous le défends.

— Vous n’y pensez pas ; me défendre de voir une amie d’enfance ! Une pareille exigence ne se comprend pas.

— Que vous la compreniez ou non, je la maintiens. Je vous défends d’aller désormais chez madame Renaud.

Claire sentait bien, au fond de son âme, que les soupçons de Ferdinand n’étaient pas tout à fait injustes ; mais le regret qu’elle éprouva lui tint lieu d’indignation, et elle s’écria :

— Je ne puis pas accepter cela. Je ne puis pas accepter d’être privée par vous de distractions honnêtes, quand vous vous permettez les plaisirs les plus coupables.

Assis à table, à côté d’eux, le petit Fernand les regardait tour à tour, d’un œil dilaté par l’étonnement et le chagrin. À cette réponse de Claire, quand il vit dans les yeux de son père la colère s’allumer, il étendit les bras, et tout son corps frémit.

— C’est pour vous une distraction honnête que d’aller voir votre amant ?

— Mon amant ! s’écria la jeune femme indignée. Vous osez m’accuser ainsi, vous ! C’est votre maîtresse qui vous a dicté cela ; c’est infâme ! Vous éprouvez donc tous