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UN DIVORCE

vous, si vous vouliez. Quel âge avez-vous ? quelque chose de plus que vingt ans, et vous parlez de mourir ! En face de ces splendeurs éternelles, au milieu de cet air si pur, près de votre enfant ! Non ! non ! ne vous enfermez pas ainsi dans une seule pensée qui vous étreint l’âme et l’étouffe ; voyez la vie tout entière ; laissez tomber un regard sur celui qui vous parle, et vous comprendrez que la mort est loin de vous, que tout ce qui vous entoure est plein d’espoir, de force, d’amour !… Vous avez beau être pâle et languissante, Claire, ajouta-t-il d’une voix plus basse et plus douce, on ne peut comprendre, à vous voir, que vous songiez à mourir.

Elle l’écoutait avec charme. Il sentait si bien ce qu’il disait ! Son regard, sa voix, son geste, tout en lui était éloquent. Tandis que le petit Fernand élevait à leurs pieds des Alpes de sable, ils causèrent avec confiance, lui plein d’expansion et d’ardeur, elle laissant échapper à demi-mots et à demi-voix ses peines.

Nul ne vint les troubler, sauf qu’apparut tout à coup près d’eux la tête blanche du digne M. Pascoud ; mais quand il eut demandé de leurs nouvelles d’un air de tendre intérêt, il s’enfuit en les priant de ne le point déranger davantage, car il était dans tout le feu d’une poésie commençant par ces mots :

Ô lac ! ô mon beau lac ! lac tout rempli de charme !

Et il cherchait le second vers.

Le soleil se couchait derrière les plans abaissés du Jura. L’atmosphère, tempérée par les brises du lac et les courants du plateau, embaumée par les émanations des tilleuls fleuris, était délicieuse ; l’enfant, douce plante humaine, appuyé sur le sein de sa mère, au milieu de ce