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UN DIVORCE

— Vous n’y êtes pas venue depuis trois jours, répliqua-t-il vivement.

Il fut confus ensuite d’avoir dit cela, et Claire également déconcertée ne répondit rien ; mais elle se dit en elle-même :

— Aurait-il donc passé trois jours à m’attendre ici ?

Les premières paroles de Camille répondirent à cette pensée :

— Je suis trop heureux, madame, de vous avoir rencontrée. Il me fallait de vos nouvelles. Depuis quatre longues semaines, je ne vous ai pas vue, et je craignais que vous ne fussiez malade.

— Quand je le serais, qu’importe ? dit-elle en s’asseyant sur un banc, d’un air si abattu et si découragé que le cœur du jeune homme en fut pénétré d’angoisse.

Il s’écria :

— Vous pouvez dire cela et vous êtes mère ! Si ceux qui vous aiment ne sont rien pour vous, du moins ne donnez pas pour belle-mère à vos enfants madame Fonjallaz.

Claire frémit à cette idée.

— Il faut vivre ! il faut être forte ! reprit Camille en serrant la main de la jeune femme et en s’asseyant près d’elle. Il faut confondre vos ennemis à force de courage et de dignité. Parce qu’un homme ingrat et insensé vous abandonne, vous n’êtes pas seule pour cela, Claire, vous n’êtes pas délaissée. Il y a des cœurs qui vous honorent et vous chérissent, d’autant plus fortement que vous êtes plus malheureuse. Et cet enfant d’une nature si riche et si belle dont vous avez à protéger et à conserver la vie ! Regardez autour de vous ; tout n’est-il pas rempli de grandeur et de poésie, de choses qui s’adressent à vous et vous pénètrent ? La vie, madame, serait encore belle pour