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UN DIVORCE

détruire ainsi votre santé pour le crime d’un autre. Portez votre esprit sur d’autres objets ; tâchez de vous distraire, de vous consoler même…

— Se consoler de ne plus être aimée ! interrompit-elle vivement.

Camille tressaillit ; mais il ne répondit pas ; il baissa les yeux à terre, et il y eut un silence.

Puis il se mit à jouer avec le petit Fernand ; il parla des enfants, de l’éducation et d’autres sujets avec une justesse et une chaleur de sentiment qui ravirent la jeune femme. Deux heures ainsi furent bien vite passées. Quand il se leva pour prendre congé, le petit Fernand se suspendit à lui, en disant :

— Reste avec nous, toujours ?

— Me permettrez-vous de revenir, madame ? demanda Camille ; et la vivacité de ce désir éclatait dans ses yeux.

— Ce n’est guère ici l’usage, répondit-elle en baissant les yeux d’un air affligé.

— Ah ! c’est vrai ! dit le jeune homme. Oui, c’est un des plus tristes usages de ce pays que les hommes et les femmes y vivent à part, comme s’ils étaient de race différente. Cela m’avait blessé dans les mœurs, au premier abord, et maintenant… Combien j’en souffre ! ajoutait son regard.

— Reste avec nous, répétait l’enfant.

— Hélas ! je ne puis pas, répondit Camille en l’embrassant ; mais tu viendras me voir au jardin de madame Renaud, n’est-ce pas ? N’est-ce pas, madame ? reprit-il, en attachant sur Claire un regard plein de prière.

— Oh !… peut-être, monsieur, répondit-elle en rougissant.

Quand il fut parti, Claire ne fit que songer à tout ce qu’il avait dit, et surtout à ce qu’il avait semblé dire.