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UN DIVORCE

remettre. Elle se leva, et les ayant retrouvées dans la poche de sa robe, elle ouvrit sans hésiter celle de madame Fonjallaz.

« Mon très-chere et bien aimé Ferdinand,

« Monadier est absent, comme il fait toujours, et je vien d’envoyer Georgine à votre bureau, mais vous n’y ête pas. C’est pourquoi je vous écrit, car je suis encore dans l’embarras pour cette affaire de Maugardin qui refuse les propositiions que vous m’avé dit de lui faire, et qui exige le payement tout de suite de la moitié. Je suis presque fâché à présent de vous avoir défendu de venir si souvent ché moi ; car j’ai tant besoin de vous, qui es mon seul vrai ami et sauveur.

« Il n’y a que vous qui m’avé consolé, et aussi quel bonheur ça m’a donné de vous revoir quand je n’avais passé toute l’année dernière qu’à m’ennuyer de vous. C’était bien rarement qu’on se rencontrait, et alors j’étais obligé de baisser les yeux pour que vous ne voyiez pas tout le contentement que j’en avais. On a quelquefois bien de la peine pour son devoir. Je sais bien à présant que je suis libre ; mais il y a le monde qui nous en veut, et puis votre femme qui a déjà dit tant de mal de moi, que j’en suis peut-être perdu de réputation à cause de vous. Je lui pardonne tout de maime, quoique je sache très-bien que ce n’est pas vous qu’elle aime, et que ce n’est que pour l’orgueil qu’elle vous tourmante tant.

« Pour moi, je ne vous aime que trop et je vous ai toujours aimé, malgré que la destinée a été si contrère pour moi. Et puis, comment ne vous aimerais-je pas quand vous me sauvé plus que la vie et celle de ma petite fille, puisque c’est ce qu’il y a de plus cruel de vivre dans le