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UN DIVORCE

sensuel, vain et lâche ; mais user mes forces à soulever un poids qui retombe sans cesse, à soutenir une faiblesse acharnée à s’abattre, non, cela m’énerve, me fait mal, et c’est inutile d’ailleurs.

Elle partit. Claire, délivrée de ses excitations, se reprit à gémir et à déplorer son sort. Anna, les mains de sa sœur dans les siennes, pleurait aussi en l’embrassant.

Ce fut ainsi que les trouva M. Grandvaux. Il retournait à Beausite, et venait prendre Anna pour l’emmener avec lui,

— Eh bien ! s’écria-t-il en voyant leurs figures altérées, qu’est-ce qu’il y a ? un petit chagrin ?

— Un grand, mon père, lui dit Claire.

Et alors, au milieu des sanglots, elle lui raconta pour la première fois toutes ses peines, jusqu’à l’événement de la journée.

Le père Grandvaux se montra fort contrarié.

— C’est égal, dit-il à sa fille, tu as fait une sottise ; tu as eu tort de prendre les choses si haut, de crier si fort. Il fallait seulement me prévenir que ton mari faisait des dépenses pour cette femme, et puis me laisser veiller au grain, et toi suivre ton petit bonhomme de chemin dans tes affaires et dans ton ménage, tout comme si de rien n’était. Pour ces choses-là, vois-tu ! il n’y a rien à faire qu’à prendre patience. Je comprends bien que ça ne t’amuse pas, à ton âge, et gentille comme tu es, d’être plantée là comme un vieux chiffon ; mais ces choses ne durent pas longtemps, va ; un jour ou l’autre ton mari te reviendra, et vous serez comme auparavant ensemble, surtout si tu ne t’es pas montrée méchante et si tu ne lui as pas fait de reproches. Il faut que tu lui dises tout simplement ce soir que tu es fâchée d’avoir eu la langue si longue, et que ça ne t’arrivera plus. Ça le contentera