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UN DIVORCE

qu’il n’y a au monde que des Anglais qui puissent avoir le courage de s’attaquer à vous ; mais ne parlez donc pas de boue ; ça ferait penser à votre mère.

— Ma mère ! répéta mademoiselle Sargeaz étonnée ; mais, se ravisant dans sa dignité, tandis que Ferdinand, pâle de colère, s’écriait :

— Il faut que tout ceci finisse ! À l’instant, je le veux !

Elle prit la main de sa cousine :

— Claire, ne touche plus à cette femme, ni de la parole ni du regard. Ton mari seul te doit compte de sa conduite. Écarte-toi, laisse-la sortir.

Mais madame Desfayes était incapable de s’apaiser et de se taire. Elle n’avait cessé, pendant que les autres parlaient, d’insulter sa rivale par ses regards, ou par des phrases entrecoupées ; résistant à Mathilde, elle s’écria de nouveau, d’une voix stridente :

— Elle ose porter le deuil de son mari ! Mais elle n’est que mensonge, cette créature, des pieds à la tête, au dehors comme au dedans. Elle a pleuré le jour de l’enterrement ; elle a poussé des cris même, on me l’a dit ; ah ! si les morts voient, c’est horrible ! Comme il a dû la maudire ! Il se vengera ! Verser sur un cercueil des larmes de joie ! N’est-ce pas un monstre, un véritable monstre, que cette femme-là ?

La Fonjallaz était pâle et avait les lèvres tremblantes ; elle balbutia en ricanant :

— Vrai, vous me donnez la comédie !

Et se détournant malgré elle de tous ces éclairs et de toutes ces foudres que lui lançaient les yeux et les paroles de Claire, et s’adressant à M. Desfayes :

— Est-ce qu’elle vous fait donc de pareilles scènes toutes les fois qu’il vient une cliente dans votre bureau ?