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UN DIVORCE

d’elle ; et tandis qu’Anna, dans l’anxiété de l’attente, les regardait :

— C’est l’écriture de la Fonjallaz, dit-elle à sa cousine à demi-voix.

— Tu en es sûre ?

— Oh ! j’ai reçu d’elle assez de mémoires. Et il n’y a pas beaucoup d’écritures aussi grossières que celle-ci.

— Eh bien ! mets cette lettre de côté, dit Mathilde, et ne la regarde plus. C’est une tentation à laquelle tu ne dois pas céder.

— Je le sais bien, répondit Claire.

Et cependant son œil continuait de fixer la lettre avidement, et sa main, qui se crispait, imprimait sur l’enveloppe les demi-cercles de ses ongles roses.

— Oh ! si je pouvais voir comment elle lui écrit ! murmura-t-elle. Et pourquoi cette femme écrit-elle à Ferdinand ? Tu vois bien qu’ils ont renoué leurs relations ; déjà !… Oh ! savoir ce qu’elle lui dit !

— Mets cela de côté, répéta Mathilde. Le secret des lettres est une chose sacrée, même entre époux.

— Il ouvre bien les miennes, dit la jeune femme.

— Il ouvre les tiennes ! Il ose faire cela ? Mais alors, mon enfant, ne te gêne plus, romps ce cachet bien vite. Et s’il t’en fait un reproche…

— Ne sais-tu pas que tout lui est permis, à lui, contre moi, dit amèrement Claire, tandis qu’à moi, rien vis-à-vis de lui ?

— Je sais que tu ne devrais pas souffrir qu’il en fût ainsi.

— Et comment ferais-je ? reprit-elle avec un soupir, en jetant la lettre sur la cheminée ; puis elle retourna s’asseoir auprès de sa sœur.

Anna les regarda de nouveau et attendit encore ; mais