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UN DIVORCE

temps il jetait dans la direction du lit des regards qui disaient : J’espère qu’elle dort.

— Tu rentres bien tard ! dit-elle tout à coup en ouvrant les yeux.

Il tressaillit, et son premier mouvement fut de se mettre en garde et de se défendre.

— Je rentre quand il me plaît.

— Et tu viens d’où bon te semble ; je le sais.

Ferdinand jeta sur sa femme un regard de défiance, et, sans lui répondre, il se coucha.

Rien n’est plus triste et plus amer dans la désunion que ces habitudes conservées de l’intimité la plus profonde. Ils restèrent longtemps, sans dormir, ainsi, côte à côte, et pleins de pensées hostiles.

Le lendemain, comme ils achevaient de dîner, Monadier entra. Ferdinand parut contrarié de le voir, et l’emmena promptement ; mais, dans le corridor, Claire, qui prêtait l’oreille, entendit cette parole : Hier soir…

— Il l’a vue chez Monadier, se dit-elle, j’en suis sûre. Et elle courut à la fenêtre de la salle à manger, qui donnait sur la porte de la rue. Penchée au dehors quand ils dépassèrent le seuil, elle saisit encore ces mots, dits par Monadier :

— Mon cher, vous ferez une bonne action, et, entre nous, vous le lui devez, car…

Elle n’entendit pas le reste ; mais elle vit Ferdinand hausser les épaules, quoique sans mauvaise humeur, et comme s’il objectait seulement des difficultés.

Le soir, madame Desfayes dit à son mari :

— Tu vois donc toujours M. Monadier ? Je te croyais si mécontent de lui pour cette affaire des mines.

— Je t’avais priée de ne jamais parler de cela, s’écria-t-il en s’emportant.