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UN DIVORCE

ouverte. Un sapin qui se dressait en face d’elle découpait sur le ciel ses pendantes ramures, argentées par le clair de lune ; elle songeait à tout ce qui, dans sa vie, à vingt-trois ans, était passé déjà ; elle frémissait d’horreur en face d’un avenir vide ; elle hésitait à le remplir d’un rêve déjà cher ; et l’on ne pourrait dire combien de pensées mélancoliques, douces et cruelles, se pressèrent sous ses yeux, dans ce coin bleu du ciel, autour des rameaux de cet arbre vert.

Les jours se passèrent ; Claire observait son mari. Il continuait d’être rêveur et préoccupé ; que devait-elle en conclure ? À coup sûr, il ne pouvait renouer si vite avec la Fonjallaz au lendemain de son veuvage. Mais elle cessa bientôt de s’en occuper ; elle avait assez à faire de lutter contre ses rêves. Elle ne voulut point retourner chez son amie et mena ses enfants sur la promenade Montbenon et dans les petits chemins avoisinants ; mais ses pieds seuls étaient là, et son esprit habitait le jardin de madame Renaud, où elle échangeait avec Camille des discours charmants, un peu confus, tout semés de réticences ; mais que les yeux du jeune homme, ces yeux lumineux et expressifs, rendaient pourtant d’une admirable clarté.

Un jour, c’était le quinzième depuis la mort de Fonjallaz, elle remarqua chez Ferdinand de l’agitation, mais joyeuse. Après avoir soupé plus vite qu’à l’ordinaire, il sortit et ne rentra point à l’heure habituelle. Ce fut seulement à minuit qu’il arriva. Claire feignit de dormir ; mais, à travers ses paupières à demi soulevées, elle le suivait du regard. Il marcha dans la chambre, ouvrit la fenêtre, respira largement ; puis il passait la main dans ses cheveux, rêvait, poussait de longs soupirs. Elle le vit mouiller son front, brûlant sans doute. De temps en