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UN DIVORCE

stupéfaites. Claire, les yeux fixes, retenait ses larmes.

— Est-il drôle ! dit Fanny.

— Allons donc ! c’est indigne ! s’écria madame Boquillon. Ce monsieur est tout à fait inconvenant. Les Français se permettent des expressions… et des idées !…

Claire prit congé de ces dames et revint chez elle, accompagnée de Louise et de ses enfants. Tandis qu’elle marchait, le voile baissé, répondant par de rares et vagues monosyllabes au babillage du petit Fernand, qu’elle tenait par la main, de temps en temps, glissant l’autre main sous son voile, elle écrasait une larme sur sa joue.

— Il me méprise, se disait-elle.

Et cette idée lui était insupportable. La délicate compassion de Camille, son respect, si différent de ce dédain, mal déguisé sous une obséquiosité banale, qu’elle était habituée à trouver chez ses compatriotes, ces parfums d’amour idéal qu’il avait brûlés devant elle, tout cela lui avait été cher et précieux, et maintenant elle souffrait cruellement de le voir remplacé par une sorte de mépris.

Puis, comment osait-il ?… et pourquoi s’occupait-il d’elle jusqu’à ce point ? D’où venait enfin cette irritation si vive qui pouvait lui faire oublier, à lui, toute politesse et toute convenance ? Elle l’avait déjà trouvée en lui cette irritation, avant son départ, il y avait huit mois ; alors déjà elle en avait cherché anxieusement la cause ; elle en avait souffert ; elle avait souffert aussi de son départ et de son absence.

Une pensée lui vint qui couvrit de rougeur tout son visage. Elle enleva son enfant dans ses bras et se mit à marcher très-vite vers sa maison, où elle entra comme