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UN DIVORCE

ils bientôt une saveur acidulée, que sentit Claire et qui la fit se répandre en louanges sur le mérite du petit Boquillon. Cela rétablit l’harmonie, et chacune des deux mères, faisant semblant d’écouter l’autre à son tour, parla de sa progéniture, alternativement, à la manière dont les bergers de Virgile célébraient Amaryllis et Galatée, tandis que Fanny, comme Palémon, leur donna le prix à l’une et à l’autre.

— Vous n’admirez pas cette petite fille ? dit Fanny à Camille quand il revint près d’elles avec Fernand.

Il jeta sur la mignonne créature un regard dédaigneux :

— Je n’aime pas les enfants nouveau-nés, madame.

Les deux sœurs se récrièrent ; madame Desfayes, blessée, garda le silence.

— Mais c’est tout le contraire, assura madame Renaud ; un enfant de trois mois, on ne peut rien voir de plus joli.

— Ce sont des anges à peine sortis du sein de l’Éternel, dit sentencieusement madame Boquillon.

— Eh ! madame, s’écria Camille, Dieu n’est malheureusement pour rien en cela. C’est assurément en vertu des lois physiques établies par lui que les enfants viennent au monde ; mais c’est le plus souvent au mépris des lois divines de l’amour. Or, ces petites créatures de chair et de sang, de beaucoup les plus nombreuses, elles me répugnent, je l’avoue, jusqu’à ce qu’au moins elles aient acquis la volonté et l’intelligence, que le vice de leur conception n’a pu entièrement leur enlever ! Les fils de l’amour, à la bonne heure ! Ceux-là, beaux entre tous, comme les enfants des Mille et une Nuits, sont nés avec une étoile au front.

Il s’inclina profondément et partit, laissant les femmes