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UN DIVORCE

l’enfant. Saisissant la corbeille de sa mère, il la jeta par terre avec fureur ; les veines de son front et de son cou se gonflèrent : il criait à perdre haleine.

Claire lui présenta vainement le sein ; il en détourna la bouche, ses bras se tordirent, et son visage devint noir.

Quoique ces crises fussent assez fréquentes, elles étaient toujours cruelles. Accourue au bruit, Louise s’empressait vainement, Claire poussait des cris de détresse, et Anna pleurait, quand M. Desfayes rentra.

— Encore ! s’écria-t-il en fronçant les sourcils. Bah ! vos pleurnicheries ne le guériront pas. Une bonne correction…

Il voulut prendre l’enfant pour le fouetter, selon l’avis qu’il avait reçu d’un médecin, et que déjà plusieurs fois il avait recommandé, à la grande indignation de Claire.

— Ne le touche pas. Je te le défends ! s’écria la jeune mère, avec un tel geste, et d’une expression si puissante, qu’il s’arrêta stupéfait.

— Tu me défends ! balbutia-t-il, c’est un peu fort ! L’enfant respira enfin et retomba épuisé sur le sein de sa mère, sans couleur, sans voix et sans mouvement.

M. Desfayes alors adressa d’aigres reproches à sa femme sur le ton qu’elle prenait avec lui depuis quelque temps. Il ne souffrirait pas cela ; il était le maître et saurait bien se faire respecter.

— Je fais ce que tu veux en toute autre chose, dit-elle, mais je défendrai toujours mon enfant ; tu me le tuerais. Je le connais, moi, et je sais mieux ce qu’il lui faut que tous les médecins de la terre. Il n’y a point de colère dans ces crises, ni aucune méchanceté. C’est qu’il a trop ri, trop jasé toute la journée ; c’est qu’on lui a trop parlé, qu’il a eu trop d’émotions… Raille si tu veux, j’en