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UN DIVORCE

Un jour de novembre qu’elle se rendait de Beausite à Lausanne, et que, autour d’elle, la bise emportant les feuilles desséchées des arbres les faisait tourbillonner dans l’air, ou les chassait par terre avec un bruit sec, Anna vit venir à elle sur la route une de ces charrettes couvertes de toile qui servent de demeure aux heimathloses.

Le père, comme à l’ordinaire, marchait à côté ; le petit cheval allait la tête baissée, d’un air placide, et l’on voyait à l’intérieur une foule de têtes de différents âges, au-devant desquelles se tenait la mère, avec sa figure hâve, sa large poitrine et le marmot obligé. Mais là-bas, tout au fond, cette tête naïve et mélancolique, aux yeux bleus, qu’accompagne aussi la figure joufflue d’un bel enfant… Anna ne l’a entrevue qu’une fois… et pourtant il lui semble que c’est bien elle… Maëdeli.

Elle s’arrêta le cœur palpitant, indécise, regardant le char qui s’éloignait pas à pas ; elle eût voulu rejoindre cette femme et lui parler. Mais était-ce bien Maëdeli ? Et puis cette union, défaite peut-être de leur gré mutuel, Anna pouvait-elle, devait-elle la renouer ? Elle s’assit tremblante au bord de la route, et y resta longtemps encore après que le char eut disparu.

En arrivant, sa première parole fut pour demander à sa sœur des nouvelles d’Étienne.

— Je l’ai vu hier, il était comme à l’ordinaire, fut la réponse de Claire ; puis, comme elle arrivait de chez madame Renaud, elle se mit à raconter avec volubilité les gentillesses de Fernand, et tout ce qu’avait dit et fait M. Camille. Elle était tout animée, la joue blanche et rose, l’œil riant, admirablement belle.

— Je crois avoir vu Maëdeli tout à l’heure, sur la route, dans un char d’heimathloses, interrompit Anna.