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UN DIVORCE

Toutes ces chères merveilles avaient disparu. Je ne sais quel abaissement de toutes choses s’était fait en elle. Son amour d’épouse n’avait plus d’excitation. De même, la révolte si vive, si intime, que lui avait causée la trahison de son mari s’était apaisée ; les saintes indignations ne s’éprouvent bien qu’une fois. L’influence des faits enfin et la vulgarité de la vie telle qu’on l’a faite l’avaient fatalement envahie ; et elle se laissait aller à cela, n’ayant plus dans l’âme de véritable idéal et de véritable passion que son enfant.

Pour le moment il lui suffisait. Rien de plus absorbant que ces petits êtres souffreteux, dont la seule apparence débile émeut le cœur. Et puis, de jour en jour, il devenait de plus en plus une créature particulière. Il remarquait les choses, cherchait à les comprendre, en saisissait les rapports ; et la mère assistait émerveillée à ce spectacle admirable, et le plus attachant de tous, du développement de l’être intérieur.

Elle, si naïve dans son adoration, si touchée, se retenant un peu de raconter son fils à tout le monde mais ne pouvant s’en empêcher, était aussi charmante à observer que lui. Elle aurait pris d’ailleurs en pitié ceux qui l’eussent raillée. Elle n’aurait pas su dire combien ils étaient insensés de croire que ce travail immense de l’initiation de l’être à la vie peut s’accomplir sans phénomènes : mais elle le sentait. Elle avait d’ailleurs pour auditoire sympathique sa mère et sa sœur. Quand elles étaient ensemble, toutes leurs conversations ne roulaient guère que sur l’enfant, sur ce qu’il avait fait de nouveau, sur ses progrès en toutes choses.

C’était toujours une pauvre petite créature au dessous de son âge pour la force et pour la taille ; mais son intelligence n’en frappait que davantage. Il avait le front haut