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UN DIVORCE

alors, qui, au lieu de me dire des choses désagréables, m’accableraient de politesses.

— Vous croyez ça de moi ? Vous avez tort, dit-elle avec fierté. J’aimerais bien la richesse, mais je déteste plutôt les riches, et vous ne me les verrez jamais flatter. Peuh ! je n’ai jamais compris les femmes qui caressent des vieux pour leur héritage ; moi, je n’aurais pas ce courage-là. Mais un gentil garçon comme vous, ce serait tout de même naturel qu’on vous aimât mieux riche que pauvre, puisque vous auriez plus d’agrément à donner. À propos, comment se porte votre famille ?

— Ça vous intéresse ? demanda Étienne ironiquement

— Pas beaucoup ; mais c’est qu’on rit tant de votre idée de vous être mis dans l’heimathlosat. Moi, je trouve tout de même que vous agissez avec cette fille comme un garçon de bon cœur. C’est fâcheux seulement que vous n’en ayez pas le moyen. Et votre marmot ?

— Il est superbe.

— Je vous en félicite ; c’est ce que vous faites de mieux, à ce qu’il paraît ? Et cependant, si vous voulez me croire, vous en resterez là.

— Comme vous êtes bonne de me conseiller ainsi ! dit Étienne, qui, agacé par ce babillage décolleté, la prit brusquement par la taille.

Mais, plus brusquement encore, elle se dégagea, et l’envoya tomber sur un tonneau vide, avec lequel il roula jusqu’au fond de l’atelier.

— Tiens ! vous êtes encore aimable ! vous, dit-elle en rajustant son châle. Vous croyez que je suis une femme avec qui l’on peut jouer, parce que je vous conseille dans votre intérêt ? Les mots ne me font pas peur, mais ils ne me font pas non plus perdre la tête.