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UN DIVORCE

Ils trouvèrent sur le seuil M. Grandvaux causant avec son fermier, lequel avait le chapeau sur la tête, les bras croisés et l’air assez rogue, tandis que le maître, un grand vieillard à figure carrée, presque bénigne, l’écoutait dans une pose pleine de bonhomie.

— Eh ! mon Père[1] ! s’écria-t-il en apercevant les deux jeunes gens, vous faites bien de venir nous voir. Eh ? comment va ?

Il secoua la main de ses hôtes. Le fermier, toujours le chapeau sur la tête, attendait qu’on le saluât.

— Bonjour, père Giromey, dit Ferdinand en lui donnant aussi une poignée de main.

Camille alors adressa au fermier un léger salut, que celui-ci ne jugea pas à propos de lui rendre.

Mademoiselle Anna avait disparu.

— Entrez vous asseoir, dit M. Grandvaux.

— Ces messieurs auraient plutôt besoin de se rafraîchir, observa le fermier.

— Ne savez-vous pas, Giromey, répliqua M. Grandvaux, que M. Camille est Français, et que les Français n’aiment pas à boire le vin dans la cave, comme nous autres ?

— Oh ! que oui ! des drôles de gens, ça ne boit ni ne mange ; aussi les maîtres d’hôtel s’en soucient comme de rien du tout. Moi, je crois toujours que c’est par économie. On n’est pas riche en France, n’est-ce pas ? monsieur, ajouta Giromey d’un air méprisant, en s’adressant à Camille.

— Pas beaucoup, monsieur Giromey. Mais il y a en-

  1. Mon Père ! exclamation très-fréquente dans la Suisse française, et par laquelle la susceptibilité protestante a voulu remplacer l’exclamation : Mon Dieu !