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UN DIVORCE

dit Claire se rattachant aux leçons de Mathilde. Je n’ai que ma volonté, c’est vrai ; mais si je veux fortement, ce sera assez.

— Pour moi, reprit la mère, je ne comprends guère à quoi cela pourrait te servir. J’ai été habituée à obéir toute ma vie, et je ne vois pas le moyen de faire différemment. La volonté, c’est ce que les hommes détestent le plus chez les femmes ; et tu finiras comme cela par te brouiller tout à fait avec ton mari. Ce n’est pas moi seule qui le dis, car je l’ai entendu bien souvent de personnages sages, et même j’ai lu dans des livres de morale que, lorsqu’une femme avait de la volonté et de l’esprit, elle devait le cacher soigneusement.

Claire avait les yeux attachés sur son enfant endormi.

— Si tu savais, maman, quand je regarde mon enfant et que je pense qu’il est aussi le sien, que nous sommes là tous deux mêlés dans ce petit être, si tu savais ce que je ressens ; non, je ne pourrais pas le dire. C’est une impression si douce et si cruelle !… Je sens que j’aimerai toujours Ferdinand, et je sens en même temps que je ne lui pardonnerai jamais !

— Tu as tort, ma fille ; il faut être raisonnable. Tu ne peux rester séparée de ton mari tout en vivant avec lui : cela ne s’est jamais vu, et ce serait le forcer à avoir des maîtresses. Alors ça deviendrait la ruine de ton ménage. Il aurait des enfants hors de la maison et ferait du tort au tien. Tu n’as rien de mieux à faire, ma pauvre Claire, que de te remettre bien avec Ferdinand, dans ton intérêt et dans celui des bonnes mœurs. On dit toujours qu’une femme habile ne doit pas s’apercevoir des infidélités de son mari et n’en être que plus empressée à le retenir auprès d’elle.