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UN DIVORCE

faut pas prendre les choses comme cela. Ça ne servirait de rien, vois-tu : les hommes sont les maîtres. Qu’est-ce que peut espérer une femme de lutter contre son mari ? C’est le moyen de se rendre tout à fait malheureuse.

— Quand le bonheur est détruit, quand c’est bien fini, dit Claire, un peu plus ou un peu moins de malheur, qu’importe ?

— Ah ! ma pauvre enfant ! je savais bien que tu n’étais pas heureuse. Je me suis aperçue de bien des choses, et jusqu’à présent je n’avais rien dit, parce que tu ne m’en parlais pas ; mais je crois que tu as besoin d’un bon conseil. Tu es très-froide avec ton mari : l’autre jour, il a voulu t’embrasser, tu t’es reculée. Il a froncé les sourcils, et j’ai vu dans ses yeux quelque chose qui m’a fait peur pour toi. Tu es imprudente, ma fille. Tu ne sais pas jusqu’où cela pourrait aller. Tu n’aurais plus de repos ; tu ne pourrais plus faire à ton gré la moindre chose. Il te reprendrait sur tout ; il ne te permettrait pas la plus légère distraction, et tu ne recevrais de lui que des affronts.

— Je serais donc obligée de le haïr, dit Claire ; eh bien !…

— Tu n’en serais ni plus heureuse ni plus avancée. Ma pauvre petite, il faut que les femmes cèdent toujours. Je ne dis pas que c’est bien, mais ça ne se peut pas autrement, puisque la loi le commande et la religion aussi. Nous n’y pouvons rien, vois-tu. Nous ne possédons aucune force. Nous n’avons la libre disposition de rien, ni de nous-mêmes. Nous n’entendons pas les affaires. Tout est contre nous, et nous ne pouvons que nous résigner.

— On peut encore se défendre et se faire respecter,