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UN DIVORCE

À première vue, on ne songeait pas à se demander si elle était oui ou non jolie, car elle n’éveillait l’attention en aucune manière de ce côté-là. On éprouvait cependant à la voir une impression agréable et douce, et bientôt on remarquait la beauté de ses longs cils, qui jetaient l’ombre d’une douceur adorable sur ses yeux limpides et profonds ; on admirait les lignes de son front bombé, sa bouche délicate et pure, et de même qu’en regardant avec attention une petite fleur, que nous avions jusque-là foulée avec indifférence, nous découvrons en elle d’admirables richesses de dessin et de coloris, plus on observait ce visage, plus on y trouvait de charme et de fines beautés.

— Mademoiselle Anna, reprit Camille, vous faites donc toujours vos délices de toutes ces bêtes-là ?

— Oui, monsieur, cela m’intéresse beaucoup. Mais vous cherchez mon père, n’est-ce pas ? Je vais l’appeler. Venez d’abord à la maison, il fait chaud, et vous devez avoir besoin de vous rafraîchir.

Elle replaçait en même temps, dans un panier bourré de laine, trois ou quatre de ces poulets de l’espèce cochinchinoise qui, hauts sur jambes et le croupion dégarni de plumes, protestent, par leur seul aspect ridicule et piteux, contre les tortures de leur acclimatation dans nos pays froids. Pépiant à ses pieds, ils se laissaient prendre tour à tour avec un petit cri de répugnance, dernière protestation de leur sauvagerie contre les usages de la civilisation.

Mademoiselle Grandvaux les arrangea avec autant de soin qu’elle eût fait de poupons dans un berceau, les couvrit d’une étoffe de laine, et, le panier au bras, se dirigea, suivie de Camille et de Ferdinand, vers la maison.