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UN DIVORCE

en pensant que sans doute elle avait été trompée après leur réconciliation ! Mais elle ne le savait pas, du moins, et ne l’avait pas accepté. Cet amour de son amour la sauvait et la soutenait seul dans cette épreuve ; car autrement elle n’eût eu pour guide que cette morale d’abnégation et d’obéissance qui conseille toutes les lâchetés et confirme tous les despotismes ; et même, malgré ses répugnances, par moments elle hésitait… Ne lui avait-on pas appris à honorer quand même les hommes coupables d’adultère ou de galanterie ? Puis elle se demandait avec terreur ce qu’elle allait devenir dans cette lutte domestique, et comment elle soutiendrait la colère de Ferdinand. Enfin, au bout de toutes ces incertitudes et de tous ces désespoirs, incapable de conclure, elle ne savait que s’en prendre à sa rivale, contre laquelle sa haine s’exaltait de plus en plus.

À partir de ce jour, son intérieur fut un enfer. M. Desfayes n’eut plus pour elle que sarcasmes, duretés, procédés mauvais. Il blâmait tout chez lui, exigeait impérieusement les choses les plus gênantes, et affectait du mépris pour Claire. Elle passait sa vie à retenir ses larmes ou à pleurer. Le sang s’aigrit et s’échauffa dans ses veines ; l’enfant qui se nourrissait d’elle éprouva des coliques plus fréquentes et maigrit. Cela surtout la désespérait. Hélas ! elle ne demandait pourtant qu’à être aimée. Mais ce qu’on voulait d’elle, était-ce de l’amour ? Et cependant elle avait si peu de force pour la résistance que, si Ferdinand eut daigné s’adoucir et prier encore, elle eut cédé. Mais il ne faisait que la frapper sans relâche.

Mathilde, qui vint la voir un jour, la trouva seule et tout en larmes.

— Tu pleureras donc toujours, ma pauvre Claire ? lui dit-elle. À quoi cela te sert-il ?