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UN DIVORCE

parlait très-vite, et dont les gestes et la démarche étaient un peu saccadés), portait une toilette de ville : chapeau de paille garni de simples rubans, robe et mantelet de soie noire ; l’autre avait sur la tête un grand chapeau de paille rond, à rubans flottants, et une robe de perse blanche et rose, sans ornements. Mais quel luxe de jeunesse et de beauté !

C’était une forte et gracieuse fille, aux épais cheveux blonds, l’œil d’un bleu sombre, le teint blanc, des joues roses, des lèvres épanouies, la taille riche, et par-dessus tout un air d’innocence, de confiance et de bonheur. Il était vraiment impossible de la voir sans l’admirer, et sans éprouver en même temps cette foi qui semblait l’animer elle-même pour les belles et bonnes choses dont elle était comme l’affirmation vivante. S’arrêtant voir passer, les deux jeunes gens ne virent qu’elle, et lorsqu’en les saluant son regard glissa, vif et brillant, sur Ferdinand Desfayes, le jeune homme à marier se sentit ému.

— Ma foi ! je ne l’aurais pas crue si belle, dit-il un peu suffoqué.

— Avouez donc que vous veniez pour la voir, dit Camille rudement.

— Eh bien ! quand ça serait ? Auriez-vous quelque droit à me le défendre ?

— Moi ! répondit le peintre avec un petit rire sec. Allons donc ! quelle ironie ! un pauvre diable songer à la fille d’un usurier !

— Usurier ou non, répliqua Ferdinand en fronçant les sourcils, le père Grandvaux n’a jamais rien eu à démêler avec la justice, et ceux qui en disent du mal sont des plus empressés à lui serrer la main et à profiter de son hospitalité.