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UN DIVORCE

Dans leur petit appartement, tout se trouvait disposé pour l’intimité complète d’un jeune ménage, et rien ne se prêtait à d’autres arrangements. Transformer la salle à manger en chambre à coucher, quoique gênant, c’eût été possible, mais il fallait acheter un lit. Or, madame Desfayes ne disposait que de l’argent nécessaire aux dépenses de la semaine. Le temps, la force de sortir lui manquaient aussi, et surtout l’audace. On s’étonnerait… Que diraient les gens ? Ferdinand surtout… Plus d’une résolution s’est brisée contre des obstacles aussi vulgaires.

Morne, inquiète, désespérée, elle attendit le soir, espérant vaguement des circonstances l’aide dont elle avait besoin toujours. Elle essayait parfois de rassembler ses forces pour la résistance, mais elle ne parvenait qu’à les épuiser par ses terreurs. Et puis, elle ressentait dans les flancs des douleurs sourdes, et tremblait pour son enfant.

Mathilde, qui vint la voir, irrita son chagrin sans la fortifier. La force ne se communique point.

Le souper fut aussi triste qu’avait été le dîner. Quand Louise se trouvait là, Ferdinand prenait occasion de marquer de la sollicitude pour Claire, en lui offrant quelque chose. Seuls, ils se taisaient.

La jeune femme était d’une pâleur extrême. Renversée sur sa chaise, une main sur la table, elle détournait ses regards de Ferdinand, et le mouvement haletant de son sein gonflé, qui soulevait et abaissait les plis de son peignoir, faisait penser à l’être qui habitait en elle, et qui, souffrant avec elle, déjà, dans ses rêves embryonnaires, recevait les impressions de la douleur.

— Tu n’es pas bien là, sur cette chaise, Claire ; tu ferais mieux de te mettre au lit.