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UN DIVORCE

car les premières grandes douleurs étonnent toujours l’être qui les éprouve.

Tout ce qu’elle n’avait pu dire à Mathilde, et qui vraiment était inénarrable, certains détails, un mot, des façons d’être, banalités pleines d’importance, vulgarités d’un sens profond, se retraçaient à son esprit, redoublant les amertumes de la trahison.

La trahison ! ce n’est là qu’un mot vague au service de tous ; mais qu’il exprime peu ce que la trahison contient, pour chacun en particulier, de douleurs intimes ! C’est dans le souvenir même des joies et des confiances d’autrefois que résident son poison et ses tortures, et plus l’affection fut intime, plus la trahison est cruelle.

Des épisodes charmants qui remplirent l’âme de bonheur, à présent rappelés, la bouleversent de déchirements horribles. Non, aucune douleur sur la terre n’est comparable à celle de l’affection trahie, qu’elle soit amour ou amitié !

Lui ! Ferdinand ! lui ! Cette exclamation se répétait en elle sur tous les tons d’un désespoir qu’aiguisait encore un étonnement profond. Oh ! jamais elle n’aurait cru cela possible ! lui ! Ferdinand !

Cependant, sous les aiguillons de la jalousie et de l’amour-propre blessé, dans les amertumes de l’amour trahi, la colère de la jeune femme s’exalta. Elle attendait son mari, et, bien qu’elle frémît encore par moments à la pensée de cette lutte, qu’elle allait, pour la première fois, soutenir contre lui, elle la voulait et en appelait l’heure.

Quand elle entendit la porte s’ouvrir, une sensation indicible de crainte, de haine et de douleur, la bouleversa.

Elle devint si tremblante qu’elle éprouva le besoin de