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UN DIVORCE

si coquette et si jolie, avec laquelle vous avez tant dansé l’autre jour à la fête champêtre ?

— Rien du tout, répondit Ferdinand en haussant les épaules ; je suis décidé à me marier.

— Ce qui veut dire que vous cherchez une dot ? ajouta Camille d’un air méprisant.

— Sans doute, mais pas à tout prix, comme vous avez l’air de le penser. Ainsi, je tiens à épouser une jolie personne.

— C’est vraiment… désintéressé.

— De plus, honnête et bien élevée.

— À merveille ! Du reste, mon cher, vous êtes fait pour prétendre à tout.

Et en disant cela, Camille, qui s’était arrêté comme Ferdinand devant la grille de Beausite, contemplait avec un demi-sourire railleur la haute stature, les larges épaules et la figure assez belle, mais vulgaire, du futur banquier vaudois, lieutenant de carabiniers dans l’armée fédérale, tandis que celui-ci, de son côté, jetait un regard assez dédaigneux sur le visage pâle, fin et accentué du jeune peintre, qu’il dépassait de la tête.

— Savez-vous que le père Grandvaux a fait de ça une magnifique propriété ? dit Ferdinand en poussant la grille.

— Quoi ! vous allez à Beausite ! s’écria Camille.

— Oui, répondit Ferdinand. — Retirant de dessous sa moustache un bout de cigare consumé, il le jeta ; puis, s’occupant aussitôt d’en rallumer un autre, il ajouta négligemment :

— J’ai une petite affaire à traiter avec Grandvaux.

Camille en l’observant devint pensif. Ils marchaient l’un à côté de l’autre en silence. Ferdinand jetait les yeux autour de lui avec intérêt, et comme s’il eût vu Beausite