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UN DIVORCE

— Pas du tout ! pas du tout ! Voilà encore une de tes bêtises ; car tu en dis, à toi toute seule, plus que tous les autres ensemble. Nous parlions de ton cher neveu et de ses belles équipées avec les heimathloses qu’il ramasse dans les chemins.

Madame Grandvaux recommanda doucement à son mari de se coucher de bonne heure, et retourna près de sa fille, car elle n’avait pas besoin d’en savoir davantage. Elle passa la nuit au chevet d’Anna, occupée à la regarder, tout en remuant les lèvres, croyant prier ; mais toute sa prière était cette pensée :

— Que ferai-je, mon Dieu ! que ferai-je pour consoler le cœur de ma pauvre enfant ?

Étienne vint à Beausite savoir des nouvelles de sa cousine. Anna reconnaissait son pas dans le corridor, et envoyait sa mère pour le voir et lui parler. Elle ne s’endormait chaque soir qu’après cette visite, et si Étienne tardait un peu, des tressaillements nerveux prenaient la malade, et sa fièvre redoublait.

Elle guérit enfin, et, comme à l’ordinaire, le premier janvier, toute la famille et quelques amis se réunirent à Beausite. Anna était convalescente et gaie comme on ne l’avait pas vue depuis longtemps ; si gaie même que sa bonne mère, inquiète, ne la quittait pas des yeux. Assise dans un fauteuil, au coin du feu, la tête renversée du côté de la fenêtre, la jeune fille regardait au dehors.

Tout à coup elle devint très-pâle, et cependant elle se leva et s’alla placer près de la porte au moment où sa tante, Mathilde et Étienne entraient. Les autres s’étaient aussi levés, et l’on s’embrassa un peu tumultueusement, en échangeant les compliments d’usage au premier jour de l’année ; Anna était revenue s’asseoir au coin du feu,