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UN DIVORCE

— Voici déjà plus d’une semaine qu’elle est toute changée, dit madame Grandvaux.

Elles avaient repris leur conversation, quand Anna, prêtant l’oreille à ce que disaient Ferdinand et M. Grandvaux, se leva doucement, et alla se placer derrière la chaise de son père ; celui-ci, penché vers son gendre, lui disait à demi-voix :

— Oui, on m’a raconté ça. Ce diable d’Étienne !… il ne peut faire que des sottises. J’en connais (et sans me vanter j’étais de ceux-là) qui ne valent pas mieux que les autres, mais qui savent toujours tirer leur épingle du jeu. S’il s’était arrangé avec une petite ouvrière, la chose se serait passée convenablement et personne seulement ne s’en serait occupé ; mais une coureuse de grands chemins ! qui ne sait pas du tout travailler et qui est toute à sa charge !…

— Absolument, répondit M. Desfayes ; et puis une fille qui n’a pas la moindre honte et qui laisse voir à tout le monde qu’elle est la maîtresse d’Étienne. C’est scandaleux. Étienne est un bon garçon, mais il manque tout à fait de savoir-vivre et d’habileté.

Un bruit s’étant produit derrière M. Grandvaux, il se retourna, et vit sa fille cadette affaissée par terre, la tête appuyée sur le canapé.

— Qu’est-ce que tu fais là, ma petite ? dit-il d’abord.

Mais comme elle ne répondait pas et ne bougeait point, il se leva en tremblant, la prit par la main, et fit un grand cri.

Tout le monde se précipita vers eux. Anna était sans couleur, les dents serrées, évanouie.

Il y eut un grand émoi. On emporta la jeune fille sur son lit, et l’on courut à Lausanne chercher un médecin. Quand Anna rouvrit les yeux et qu’elle vit autour d’elle