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UN DIVORCE

— Se haïr ! murmura Claire.

— Y a-t-il si loin d’un adversaire à un ennemi ? Rien aigrit-il davantage qu’une contradiction incessante ? Dans la plupart des ménages, quand le mari parle de sa femme et la femme de son mari, c’est tout de suite le ton aigre-doux qui devient l’accent naturel de l’âme. Ma chère, poursuivit Mathilde, en voyant que sa cousine, absorbée par son chagrin, ne lui répondait point, je ne comprends pas les gens qui souffrent sans chercher de remède à leur mal. Tu veux que ton mari se plaise avec toi ? pourquoi ne pas t’instruire dans les choses qui l’intéressent, afin que vous en puissiez causer ensemble.

— Faut-il que je m’occupe de politique et que j’apprenne le Code de commerce ? répondit Claire d’un ton plein de moquerie.

— Ton bonheur en vaudrait la peine, il me semble ; d’ailleurs, il ne s’agit que d’une compréhension générale, non d’un savoir minutieux. Tu n’aurais pas de peine, je t’assure, à devenir plus instruite et plus aimable que les compagnons de Ferdinand.

— Mais cela me rendrait fort ridicule, dit Claire d’un ton tranchant, et je ne crois pas que Ferdinand m’en aimât davantage.

— À merveille, ma chère ! J’oubliais que vous êtes les défenseurs acharnés de votre abjection et de vos souffrances. Le langage de la raison…

— Vois-tu, ce n’est pas cela, dit Claire en l’interrompant ; c’est qu’il ne m’aime plus comme autrefois, et…

— Oui, mais pourquoi ne t’aime-t-il plus ? Là est la question.

Mais ce n’était guère de logique, en vérité, que Claire était occupée.

— Il m’est venu, ces jours-ci, une idée, reprit-elle ; si