Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
UN DIVORCE

sant la plus jolie boîte, elle la mit aux mains d’Étienne, en lui disant :

— Tenez.

— Combien vends-tu cela ? demanda-t-il.

— Elle est à vous, reprit-elle avec un air de mécontentement.

— Eh bien ! dit Étienne, je te remercie, ma bonne fille ; je garderai cela en souvenir de notre rencontre d’aujourd’hui.

Jamais sans doute la fille heimathlose ne s’était entendue adresser de si douces paroles, surtout par un jeune bourgeois de si bonne mine, et dont les yeux éclatants brillaient du reflet de l’enthousiasme dont son cœur était rempli. Elle restait en face de lui, le regardant toujours, et ne baissant les yeux parfois que pour les relever aussitôt, plus charmés encore.

— Allons, bonsoir, dit Étienne, et que Dieu te protége !

Il se remit à marcher. — Quelle étrange rencontre ! Pauvre fille ! Ah ! comme elle avait raison, cette chère Anna, d’aimer tout ce qui, sur cette terre, est susceptible de souffrance et d’amour ! Elle n’avait pas d’ambition, elle, et si, pour l’obtenir de son père, il fallait des succès de fortune ou d’orgueil, pour elle il ne s’appliquera qu’à devenir meilleur ; il agrandira son âme pour aimer toutes les créatures ; il aidera tout ce qui souffre et chérira tout ce qui est bon.

Il était déjà sur la promenade de Montbenon, c’est-à-dire tout près de la ville, quand il s’aperçut que la jeune heimathlose le suivait toujours.

— À quoi penses-tu ? lui dit-il ; et pourquoi ne retournes-tu pas avec tes parents ? Il est trop tard main-