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UN DIVORCE

ma vie qu’à faire des sottises, et je ne sais pas comment tu as pu m’aimer.

— Oui, l’on t’a bien souvent accusé devant moi, répondit la jeune fille ; mais cela ne m’a point empêchée de t’aimer. Au contraire, vois-tu, car je te plaignais, et j’aimais à te défendre. Puis, je te connais si bien, mon cousin ; je sais que ton intention, quoi que tu fasses, n’est pas mauvaise.

— En effet, ma chérie, tu as toujours pris ma défense ; tu étais toute petite, et tu portais encore des tabliers blancs, le jour où je fis de si beaux bateaux des souliers de la tante Charlet, et où mon oncle me poursuivait le fouet à la main ; je me rappelle comme tu vins alors te jeter devant moi, les bras étendus, en criant à ton père : Je ne veux pas qu’on le touche ! Tu me venais à peine à l’épaule dans ce temps-là, et cependant tu me protégeais.

La pluie cessait ; ils entendirent l’aboiement d’Oscar. Étienne, craignant d’être surpris, s’éloigna de sa cousine ; mais en face d’elle, à deux pas, il la contemplait. À la voir dans cette niche rugueuse, on eût dit une de ces madones que la dévotion d’un pâtre inspiré a sculptées dans les forêts ; par ses traits comme par l’expression de son visage elle était en effet plus sublime que belle ; ses cheveux contractés par la pluie, s’ébouriffant autour de son visage, lui faisaient une auréole ; et, tandis que les herbes courbées et ruisselantes se relevaient lentement, et que des gouttes étincelantes pendaient de tous côtés aux rameaux de l’arbre, d’autres gouttes d’une rosée encore plus pure tremblaient aux longs cils d’Anna.

Oscar, à ce moment, avec un glapissement joyeux, vint s’abattre aux pieds de sa maîtresse, et de petits oiseaux mouillés, qui s’étaient réfugiés sur le vieil arbre