Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
UN DIVORCE

Et, avec des joues ardentes, elle ajouta encore quelques mots là-dessus, comme si ce point la préoccupait beaucoup.

Ils marchèrent ensuite en silence. Le but de leur course n’était pas bien éloigné ; mais, sans y faire attention, ils avaient pris le plus long chemin, un chemin qui s’étendait par le champ, en ligne courbe, jusqu’au bois, et qui était bordé de vieux cerisiers.

Il faisait déjà sombre, car le ciel était noir, et bien que l’atmosphère se fût subitement rafraîchie, ainsi qu’il arrive toujours, dans ces vallées entourées de glace et de neige, après le coucher du soleil, de grands éclairs secouaient de temps en temps leurs feux dans le ciel, derrière les montagnes, dont les neiges s’illuminaient alors d’étranges lueurs.

Au bout de quelques minutes ils entraient chez la Vionnaz.

Les habitations pauvres de ce pays sont plus propres et moins dépourvues que celles des paysans français. Le Vaudois met son orgueil dans ce qui frappe les yeux ; chez lui le cuivre et le fer éclatent comme des miroirs. Sa toilette du dimanche est presque bourgeoise, et la moindre fille de fermier achète à son mariage des fauteuils et un canapé, sur lequel elle s’assiéra le dimanche seulement, dans un petit salon fermé toute la semaine ; car les habitudes démocratiques sont déjà telles, même au village, que nulle loi somptuaire n’existe plus dans les mœurs ; malheureusement ce n’est pas l’amour de l’égalité, mais l’amour de l’argent qui a remplacé le préjugé de la naissance, en Suisse plus qu’ailleurs peut-être.

L’âtre était sans feu et la chambre sans lumière ; mais, sur la cheminée et le dressoir, les surfaces polies de la