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UN DIVORCE

— Est-ce pour quelque affaire ? demanda la jeune femme d’une voix un peu rauque.

— Certainement, répondit-il en l’attirant auprès de lui sur le canapé ; c’est toujours pour quelque affaire ; seulement je ne pourrais te dire laquelle ce sera ce soir. Vois-tu, chère petite, il ne faut pas t’imaginer que les occasions viennent nous trouver ; il faut les aller chercher au contraire. Il est nécessaire de voir les hommes, d’en être connu, de s’imposer à eux par l’habitude et par l’ascendant qu’on peut avoir ; il faut les forcer de penser à vous, et, quand l’occasion arrive, être là.

Elle l’écoutait, les yeux fixes et attentifs, en s’efforçant de le comprendre. Mais elle dit bientôt :

— Ainsi, la vie tout entière pour cela ? Et le bonheur ?

— Le bonheur ! Eh bien ! ne se retrouve-t-on pas toujours ? répondit-il en l’embrassant.

— Ah ! si c’est assez pour toi…

— Méchante ! voyons, ne sais-tu pas que je t’aime ?

— Oh ! si, je le crois, j’en suis sûre ; mais, mon Ferdinand, je n’ai que toi, vois-tu ! et… tu n’es jamais là…

Elle retint avec effort les larmes qui la gagnaient.

— Il faut te distraire un peu, chère petite ; il faut aller voir tes amies, ta sœur.

— Il me semble, dit-elle sans répondre à cela, qu’il serait bien plus simple qu’on vint te chercher quand on a besoin de toi. Pourquoi s’imposer aux gens ? Moi, je n’aimerais pas cela, à ta place.

— Alors autant vaudrait me croiser les bras, s’écria-t-il, et laisser faire aux autres toute la besogne. Tu ne sais donc pas qu’à présent c’est l’intrigue qui fait tout ; il n’y a plus que cela. Eh bien ! il faut que je fasse comme les autres. Les femmes ne comprennent rien aux exi-