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UN DIVORCE

ruban que pour lui. Elle ne lisait quelquefois que pour lui parler de ce qu’elle avait lu, et ne remarquait les choses que pour les lui dire. Elle se regardait dans la glace avec les yeux de Ferdinand, et seulement pour voir comment il la verrait. Qu’il fût absent, qu’il fût là, constamment elle le cherchait, et son cœur et sa volonté n’avaient d’autre action que de se consacrer à lui. Mais, hélas ! elle ne le trouvait plus, même quand il était près d’elle.

Oh ! quand on ne sait pas aimer, il ne faut pas jeter dans le cœur d’une femme des paroles brûlantes, comme une étincelle sur la poudre. Non, c’est mal ! c’est mal ! Quand on ne peut disposer que de jours et d’heures, on ne doit pas promettre l’éternité. On trompe ainsi, on dévore, on tue ceux qui avaient confiance et qui croyaient.

En regardant à la pendule, elle s’étonne toujours ; car, sous l’empire de l’attente, la notion du temps s’est agrandie chez la jeune femme au point de diviser les minutes en innombrables instants. Les pulsations de son cœur l’étouffent ; son front est lourd et douloureux, et ses larmes tombent larges, chaudes et précipitées sur la petite table vernie, où la lumière de la lampe les fait briller.

Un bruit retentit. C’est lui peut-être ? La porte se ferme, on monte. Non, ce n’est point son pas ; ce n’est pas lui. Le temps s’écoule.

Claire pleurait amèrement, et les larmes qu’elle versait brûlaient ses paupières. Elle avait la gorge sèche, les lèvres, les mains brûlantes. Toutes les forces de son être rassemblées pour écouter s’ébranlaient au moindre bruit. C’était depuis leur mariage la première soirée qu’elle passait seule. Une crainte profonde la saisit que